Le blog de Cyann

Quand je parle de ma passion pour les chars, les réactions sont très variées mais une question revient toujours : le char de combat n'est-t-il pas une arme appartenant au passé ?

Cette idée se fonde sur deux croyances. D'abord, celle que depuis l'effondrement du bloc soviétique, la possibilité d'une guerre "conventionelle" est écartée et que seuls des conflits asymétriques, où une armée moderne combattrait une armée très inférieure ou une insurrection, pourraient se produire. Mais aussi celle que le rôle du char est d'affronter et de détruire les chars ennemis, un rôle marginal, voire inexistant dans un conflit asymétrique.
Cette dernière est sans doute inspirée par la doctrine de l'US Army qui définit le char comme "la meilleure arme antichar". Une conception justifiée, qui remonte aux années 50 et à l'avènement du missile antichar. Une époque où l'on avait aussi cru à la mort du char conventionnel, quand cette nouvelle arme permettait de percer les blindages les plus épais à des distances largement supérieures à celles de meilleurs canons antichar... Encore fallait-t-il protéger ses utilisateurs, dans l'environnement hostile d'un conflit armé entre l'Occident et le bloc soviétique, où les armes nucléaires, biologiques et chimiques seraient omniprésentes. Et leur permettre d'évoluer dans le terrain bouleversé engendré par des bombardements intensifs, voire nucléaires. Autrement dit, une plateforme pour missiles antichar devait être blindée et sur chenilles ! Après l'échec de quelques essais de "chars à missiles", s'est finalement avéré que les chars restaient le meilleur moyen d'arrêter les "hordes blindées" du Pacte de Varsovie.

Mais cette conception n'est pas complète, car elle ne prend pas en compte le rôle que les chars ont eu dans l'Histoire. Lors de la Première Guerre mondiale, ils ont permis de sortir de l'impasse de tranchée en faisant fi des obstacles et du feu ennemi. Lors de la Seconde Guerre mondiale, les Panzerdivisionen ont préféré éviter l'affrontement avec des chars français beaucoup plus puissants, laissant ce rôle à la Luftwaffe pour se concentrer sur la percée. Le rôle des chars reste un rôle de soutien, un rôle qui consiste à apporter leur puissance de feu et leur protection là et quand leur armée en a besoin.
Cela se vérifie très facilement, en observant les munitions qu'ils emportent : la plupart d'entre elles étaient de type HE (High Explosive), puis de type HESH (High Explosive Squash Head) et surtout HEAT (High Explosive Anti-Tank). Toutes sont des munitions explosives utilisées contre des cibles personnelles ou matérielles.

Revenons à notre époque pour préciser le rôle du char. Aujourd'hui, la mission du char est d'assurer un soutien puissant et précis au plus près de la ligne de front.
Vous allez me dire que ce rôle est tenu par l'aviation et me citerez comme exemple l'Afghanistan. Je vais vous répondre en reprenant l'Afghanistan comme exemple : peu importe les progrès des armes guidées par laser ou par satellite, il y aura toujours des erreurs et des morts de civils par dizaines. En revanche, de telles "bavures" sont rarissimes dans l'histoire du char, qui contrairement à l'arme aérienne, assure un soutien direct.
Ainsi, si les Etats-Unis n'utilisent pas de M1 Abrams en Afghanistan (bien qu'ils en aient envoyés, mais c'est une autre histoire), le Canada a fait le choix d'y envoyer ses chars Leopard 2 (de nationalité allemande). Il envisageait en effet de remplacer entièrement sa flotte de chars par des véhicules de combat à huit roues Stryker équipés d'un canon de char de 105 mm : un choix qui semblait plus adapté à un conflit asymétrique... Or, les performances du Leopard 2 en Afghanistan ont été bien supérieures à celle du Stryker Mobile Gun System. Pour une raison très simple : le char de combat principal peut encaisser une explosion d'engin explosif improvisé, l'arme principale de l'insurrection afghane, sans subir de pertes. Il n'est pas sûr, pour ne pas dire exclu, qu'un Stryker, dont le blindage frontal ne résiste qu'aux tirs allant jusqu'à 14,5 mm, y ait survécu.

Ma conclusion est simple : rien ne peut remplacer la combinaison de puissance de feu, de protection et de mobilité, ni l'appui-feu direct que peut apporter un char. Même si le bouillonnement créatif des années 30 à 50 ne fera sans doute jamais son retour, il saura toujours tirer parti de son caractère unique et s'adapter aux nouveaux conflits. S'en séparer, ou espérer les cantonner à un rôle très particulier serait une erreur très grave pour toute nation qui prendrait cette décision.